D'où vient qu'on finit une toile ou qu'on la laisse en plan ? L'évanouissement du désir, le manque de temps, la fatigue ? (album en panorama en bas à droite "Attention peintures fraîches" tout droit réservé)

Trois toiles en chantier... Dont une qui serait déjà à la poubelle si on ne m'avait dit : "non, attends, elle est sympa quand même". Pourtant depuis j'en ai fait d'autres.

Des pinceaux , une feuille blanche, des couleurs , deux heures devant soi, et l'envie... Parfois si forte cette envie qu'elle épuise physiquement avant même qu'on termine l'oeuvre. On étale une couleur, puis une autre, et dans le plaisir d'un mouvement de pinceaux, des pensées qui viennent se mélangées au réel, on peint, on avance, on remplie la feuille.Le plaisir est là, une formidable énergie qui envahit le corps et l'esprit, dopamine naturelle ? Merveilleux.

Pas d'idée de départ forcément ni même d'intention, juste du mouvement en couleurs. Et ça peint sous ses propres doigts. Parfois on se réveille presque à la fin du tableau... Tiens, ça donne ça...

"C'est facile, même moi je peux le faire !"

Une remarque souvent entendue face à un tableau d'art moderne. Mais oui, bien sûr, c'est juste : il y a effectivement un artiste, une sensibilité, une vibration au monde dans chaque être humain...C'est une manière d'être et non le sceau d'un talent. Cette dernière vision est héritée de la tradition classique où le feu de l'inspiration viendrait même des muses - sortes de déesses inspiratrices des créateurs - depuis les Grecs... D'ailleurs, o n met les oeuvres reconnues dans des musées , étymologiquement "le palais des muses".

Ne pas confondre non plus techniciens, artistes et célébrité. On me demande si je vends des tableaux sous couverts de dire "est-ce que tu es reconnue ? Car si on te paye pour ça, ça veut dire que tu as du talent"...Etrange mélange, les muses du talent ont laissé la place aujourd'hui au sceau vénal : l'argent, pour dire si oui ou non on peut prétendre à se dire "artiste... Etrange. L'artiste peint, créé malgré lui, à part lui et avec lui-même, c'est une manière de vivre, de vibrer, d'être heureux ou de raffiner son malheur (formule que je pique à René Char) pour en tirer une certaine part de maîtrise rassereinante : "D'accord j'ai mal, je souffre mais au moins puis- je en jouer, en tirer quelque chose d'autre , une "sublimation"...Et cela me ramène au calme, à une part de paix et d'espoir."

Non, je n'ai pas essayé de vendre, on me demande des toiles et sans doute vais-je songer à exposer cette année... Aurai-je de la facilité à quitter mes oeuvres ? Pas sûr. Je n'ai jusqu'à maintenant confié "mes buvards" qu'à des personnes aimées : amis, parents...Je pouvais choisir presque de dire "oui" ou "non". Et si un inconnu m'achète une toile, que va-t-il se passer ? Nous verrons, le début d'une rencontre peut-être ou simplement un acte de vente-achat. Dans le second cas je serai sans doute frustrée...Je me rassurerai en me disant que si ma peinture l'a touché au point de l'acheter, sans doute est-ce déjà un partage même sans mot ?...

Je ne suis pas célèbre - y'a mieux à faire dans la vie ;) Il y a a créer, à toucher au plus près le vrai, le réel, des gens et des univers qu'on traverse...Une part de célébrité nuirait sans doute aussi à une certaine vérité. Le "réel résiste" dit Lacan... Sans doute aussi le réel a-t-il envie de nous. L'accès au vrai du réel, c'est le mouvement de l'humilité : s'oublier sans excès pour mieux recevoir du monde et des autres. Je ne suis pas célèbre mais quand je peins et je suis reconnue, merci à vous, vos témoignages, vos visites amies...Vos envies "sans bleu", "trop asiatique", etc.

Je peins et je suis heureuse. Quoi qu'il arrive, grâce au peindre et à vous : Heureuse...

Carnet de peintures non achevées

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